Dans la tourmente de la seconde guerre mondiale

 

 

 

 

 Myrtil Bloch (1883-1943)

Myrtil Bloch est né 22 décembre 1883 à Wintzenheim près de Colmar. Il fut professeur de mathématiques au lycée Kléber (Saint Jean), collègue et ami de Lucien Dreyfus.

C’était un ancien étudiant sioniste et il fut durant de nombreuses années membre actif de l'Organisation sioniste régionale (trésorier). Suivant les recommandations de Théodore Herzl  il avait accepté la charge d'administrateur de la Communauté de Strasbourg. C’était un homme cultivé et intelligent, doué d'un bel humour.

Mais c'est comme président de la commission du Fonds national juif (KKL) destiné à rassembler de l’argent pour racheter les terres de Palestine afin d’y créer un Etat juif, qu'il a donné toute la mesure de son talent d'organisateur. Sous son impulsion de nombreuses collectes de fonds furent menées à bien dans tout le département.

L'évacuation de Strasbourg avait amené la famille Bloch à Bordeaux, où Myrtil Bloch enseigna au Lycée Longchamp qu’il dut quitter lors de la promulgation des lois sur le statut des juifs leur interdisant d’enseigner.  Myrtil Bloch et son épouse Andrée avaient trois enfants. L’aîné, Georges, étudiant en agronomie était en stage dans une ferme près de Nevers. C’est là qu’il fut arrêté par des Feldgendarmes allemands, bien qu’à cette époque on n’arrêtait pas encore les juifs français. Inquiets de ne plus avoir de nouvelles de leur fils, la famille réussit à passer en zone libre.  

Ils s’installèrent à Moissac où ils échappèrent un temps à la chape de plomb qui régnait en zone occupée. Quatre mois plus tard la zone libre était envahie et le 22 juillet 1943 Myrtil Bloch et Andrée furent dénoncés pour « trafic d’or » arrêtés par la gestapo à leur domicile, devant leur fils cadet Léon. Celui-ci voulut les accompagner, mais les Allemands n’avaient pas d’ordre pour l’emmener. De Drancy, il adressa à ses deux enfants survivants une lettre qui est un vrai testament spirituel, et qui traduit bien l'inébranlable sérénité d'âme de cet homme qui a été un fidèle constructeur d’Israël. Le convoi 59 quitta Drancy le 2 septembre 1943 pour Auschwitz où ils moururent le 7 septembre.

Leurs enfants Eve et Léon survécurent en se cachant, avec de faux papiers. A la libération de Bordeaux ils se concentrèrent sur leurs études pour rattraper le temps perdu, attendant de revoir leur frère et leurs parents, avec le ferme espoir de les retrouver, car aucun écho négatif ne les avait détrompés.

 

 

 

 

 Lucien Dreyfus (1882-1943)

Lucien Dreyfus est né le 10 juin 1882 à Westhouse dans le Bas-Rhin, brillant élève il entreprend tout d’abord des études rabbiniques à Colmar puis à Berlin, avant de se tourner vers des études d’histoire et de langue et de devenir professeur au lycée Kléber (Saint jean) où il fera toute sa carrière de 1908 jusqu’au 14 juillet 1939.

Avec l’évacuation il enseigne à Poitiers, puis à Nice en 1940, où s’installe la famille. Lucien Dreyfus tient un journal. Il raconte le petit milieu des réfugiés alsaciens, juifs ou non, sa mise à la retraite d’office de l’Éducation nationale à cause du statut des juifs du 3 octobre 1940, la création d’une école technique ORT (Organisation-Reconstruction-Travail) qu’il dirige, les difficultés de la vie quotidienne et du ravitaillement, ainsi que ses très nombreuses lectures. Sous la plume de cet homme déjà âgé, il a 59 ans en 1940, c’est une chronique intime et politique de la France occupée et de la persécution en zone Sud qui est déroulée. Dès 1941 il comprend que « la fin de ce mouvement antisémite sera l’élimination des Juifs du continent ».  Lucien Dreyfus pointe la petitesse de ses contemporains mais développe aussi une réflexion profonde sur les malheurs du temps. Ainsi voit-il dans l’abandon de la foi religieuse chrétienne et juive l’origine de la catastrophe européenne.

Son gendre est très impliqué dans le sauvetage des enfants juifs, ce qui permettra à sa fille Mariette et à sa petite-fille Monique, âgée de six ans de fuir aux Etats-Unis en embarquant de Marseille dans le dernier convoi autorisé au printemps 1942

Alors qu’il est en vacances à Clans, un village sur les hauteurs de Nice, L. Dreyfus et son épouse sont surpris par l’arrivée des Allemands reprenant la zone italienne et organisant, sous l’égide d’Aloïs Brunner, des rafles de Juifs. Le couple est arrêté le 25 octobre 1943. Ils seront déportés à Auschwitz le 20 novembre 1943 par le convoi n° 62.

Le journal de bord de L. Dreyfus, est d’abord l’histoire d’une découverte inattendue. Le manuscrit a été déposé en 1994 au Musée du mémorial de l’Holocauste à Washington, de manière anonyme. Une longue enquête des archivistes permit de découvrir qu’il avait été adressé par le mari de sa petite-fille Monique.  A. Garbarini, historienne américaine spécialiste des journaux intimes de la Shoah et J.-M. Dreyfus, spécialiste de l’histoire de la Shoah et de l’histoire de l’Alsace, nous éclairent, dans une introduction fournie, sur les différents apports de ce journal  

Il a écrit :

Journal, 20 décembre 1940 – 24 septembre 1943, une époque terrible et terriblement intéressante, 2020, Editions Le Manuscrit / Fondation pour la Mémoire de la Shoah

Disponible au Kleberium-CDI : A « 1939-1945 » DRE

 

 

 

 

 Salomon Gluck (1914-1944)

Salomon (Abraham Salomon) Gluck (5 novembre 1914, Zurich - vers le 20 mai 1944 en Lituanie ou Estonie) est un médecin français et un membre de la Résistance, assassiné en déportation.

Il est le fils de Pinhas Gluck (1886-1964) et de Henia Shipper (1887-1968), nés respectivement à Tarnow et à Przemysl en Galicie. Son père est un descendant direct de maîtres hassidiques. Ils habitent en Belgique avant de s'établir en Suisse durant la Première Guerre mondiale. La famille vit ensuite en Allemagne et vient à Strasbourg en 1921. Ils deviennent citoyens français, le 2 juillet 1928.

Après être passé par le lycée Fustel de Coulanges et le lycée Kléber (en première et en terminale), Salomon Gluck étudie à la faculté de médecine de Strasbourg. Il publie sa thèse de médecine en 1939.

Interne à Londres lorsque la guerre éclate, Salomon Gluck revient en France et rejoint l'armée française le 16 septembre 1939 ; il est envoyé sur la Ligne Maginot. Dans la débâcle de 1940, le sous-lieutenant Gluck est fait prisonnier et envoyé à l’Oflag XII-B à Mayence. Libéré en 1941, il reçoit la croix de guerre 1939-1945. Parmi ses camarades de captivité se trouve Fernand Braudel.

En raison des lois racistes de Vichy, il ne peut exercer en tant que médecin. Néanmoins, il pratique sa profession dans la Maison d’Enfants à Broût-Vernet (Allier), prenant en charge la santé de jeunes orphelins.  Informé de son arrestation imminente, il joint sa sœur Antoinette Feuerwerker et son beau-frère, le rabbin David Feuerwerker à Brive-la-Gaillarde. Ils œuvrent ensemble aux côtés d’Edmond Michelet dans le Mouvement de Résistance Combat. Dans le bureau du 1er étage de la synagogue de Brive, il donne des consultations médicales gratuites aux nombreux réfugiés.

Il se rend ensuite à Lyon au printemps 1944 et y rejoint la Résistance lyonnaise. Peu après, il est arrêté par la Milice française quand, en tentant de protéger son père brutalisé par ces agents, il se déclare ouvertement comme un membre de la Résistance. Emmené à la prison Montluc à Lyon puis à Drancy le 11 mai 1944, sous le numéro 21530, il est déporté depuis la gare de Bobigny par le convoi n°73, en date du 15 mai 1944, un des rares trains provenant de France comprenant uniquement des hommes, et avec pour destination finale non pas Auschwitz mais Kaunas en Lituanie ou Reval (aujourd'hui appelé Tallinn) en Estonie.

Le Dr Salomon Gluck est assassiné, comme la plupart des 878 hommes du convoi 73 vers le 20 mai 1944. Son nom est inscrit sur la tombe de son père à Haïfa (Israël), sur le Mur des Noms au Mémorial de la Shoah, sur le site du Mémorial du martyr Juif inconnu, dans le Marais à Paris et au cimetière israélite de Cronenbourg comme éternel souvenir.

 

 

 

 

 René Kleinmann (1923-2009)

Dès l’âge de 18 ans, il entre de plain pied dans la Seconde Guerre Mondiale. Au début de l’Occupation, à la rentrée 1940, René Kleinmann poursuit sa scolarité au Lycée Kléber (Saint-Jean) alors Karl-Roos Schule, après la fermeture du Collège Saint-Etienne dans l’équivalent de la classe de Première.

Il intègre très vite un groupe de résistance armée formé de 25 membres, appelé « La Main Noire », créé par Marcel Weinum (16 ans), pour « symboliser la main vengeresse qui s'oppose aux affronts nazis faits à l'Alsace », et dont la caractéristique est le jeune âge de ses membres. Quatre étaient des élèves du Collège Saint-Etienne, dont René.

Les actions menées par cette organisation secrète étaient les suivantes : propagande française, gaulliste et anti-allemande (lettres, graffitis, …), sabotages (installations électriques des voies ferrées, crevaisons de pneus de véhicules militaires, …), attentat symbolique contre le Préfet allemand, le Gauleiter Robert Wagner, aide à l’évasion de soldats français vers la France Libre. René est arrêté une première fois en juillet 1941, emprisonné à Mulhouse puis à Strasbourg pour être transféré au Camp de Schirmeck.

Lors de sa détention, il est volontaire pour porter secours à la population civile suite au bombardement de Strasbourg le 3 septembre 1943, on lui confie la tâche de déterrer et désamorcer les bombes non-explosées ! Libéré, il est incorporé de force dans l’armée allemande le 1er novembre 1943. Mais simulant une crise de sciatique, il ne part pas rejoindre le front de l’Est.

Il est envoyé dans la caserne Stirn de Strasbourg jusqu’en janvier 1944 puis dans un camp de formation militaire sur la frontière germano-polonaise où il est mis aux arrêts pour « sabotage du moral de la troupe allemande ». Il est alors transféré à la forteresse militaire de Strasbourg à l’Esplanade où il est condamné à 18 mois de prison qu'il effectue dans le bataillon disciplinaire 500. Il est ensuite envoyé sur le front ouest, s’en évade le 4 décembre 1944 près d’Aix-la-Chapelle et rejoint les Américains de l’autre côté du front.

Après un interrogatoire rapide, il est remis aux Français à Laon en remerciement des informations fournies aux services de renseignement de la 1ère armée américaine. De là, il rejoint Paris pour s’engager dans le Service de Renseignements de la 1ère Armée Française où il sert de janvier à juin 1945 comme sous-lieutenant … avant de reprendre sa scolarité en classe de philo à la rentrée 1945, au Collège Saint-Etienne.

 

 

 

 

 Léon Rieger (1922-1943)

Léon Rieger : élève du lycée Kléber, mort en déportation      31 mai 1922 – 11 mars 1943

Léon est né le 31 mai 1922 à Nuremberg. Il était de nationalité polonaise, car son père Joachim-Bernard Rieger était polonais, originaire de Kolomya en Galicie (actuellement à l’ouest de l’Ukraine mais qui jusqu’en 1919 appartenait à l’empire austro-hongrois puis devint polonaise en 1919 après la guerre et la chute de la monarchie des Habsbourg). Sa maman, Martha Hacker était originaire de Nuremberg. La famille vivait à Nuremberg mais quitta l’Allemagne sentant monter l’antisémitisme et en 1926 ils choisirent de s’installer à Strasbourg car ils étaient germanophones.

Il a passé huit ans au lycée Kléber, (qui comportait alors des classes de primaire et de collège) de 1928 à 1936. Puis de 1936 à 1939 il a appris le métier d’électricien dans un lycée technique. Léon dessinait bien, il aimait les chevaux et jouait dans une équipe de foot.

En 1939, Strasbourg est évacué, la famille part dans un premier temps pour le camp de réfugiés de Vatan dans l’Indre, puis s’installe à Isle dans la banlieue de Limoges. Leur appartement strasbourgeois fut occupé par des officiers allemands et ils ne retrouvèrent rien de leurs effets personnels après la guerre.  Léon trouva du travail comme monteur-électricien et une place d’apprentis en bijouterie pour son jeune frère Serge.

Léon a été arrêté le 23 février 1943 à Isle en Haute-Vienne, en tant que juif étranger. Les Allemands ont demandé aux gendarmes français de procéder à une rafle en représailles à un attentat contre des officiers allemands. Lorsqu’il a été arrêté il pensait être envoyé en Allemagne pour y travailler en tant qu’électricien.

Il se retrouve au camp d’internement de Gurs (Béarn) du 26 au 27 février puis au camp de Drancy (banlieue nord de Paris) d’où Il est parti en train vers le camp de Majdanek, le 6 mars dans le convoi 51. De ce convoi, il n’y eut que 5 survivants. Majdanek est situé à 2 kilomètre de la ville de Lublin, dans l’est de la Pologne. C’était à la fois camp de concentration, un camp de prisonniers de guerre, puis un camp d’extermination

Il reste comme ultime trace de lui, le duplicata de la carte postale qu’il a écrite du camp de Drancy, la veille de son départ pour le dernier voyage. Son dernier mot est « A bientôt ».

Les parents de Léon ont réussi à échapper aux rafles, sa maman est décédée à Paris en 1953, son père est alors revenu vivre à Strasbourg où il est décédé en 1956. Le jeune frère de Léon, Serge, né à Strasbourg en 1927, a pris le maquis, est devenu résistant. Il a 94 ans et vit à Paris.

Mais Léon Rieger à l’âge de 19 ans eut un fils en août 1942 avec une jeune femme qui vivait dans un village voisin d’Isle. Cette relation est restée cachée car elle n’était pas juive. Il était donc impossible de l’épouser et beaucoup trop dangereux de déclarer la véritable filiation paternelle du bébé. Léon a quand même pu le tenir dans ses bras et le voir secrètement durant 6 mois.

 

 

 

 

 Robert Weil ( 1912 - 1992 )

Robert Weil est né à Champigneulles en Lorraine.  Il suit sa scolarité au lycée Kléber où il a comme condisciple André Neher. Il poursuit ses études en mathématiques puis en sciences physiques à la Faculté des sciences de Strasbourg et ensuite à Paris à l’Ecole pratique des hautes études et au Collège de France. Parallèlement il a suivi un enseignement religieux au séminaire israélite de France. Il ne passera jamais l’agrégation car il veut respecter le chabbat.

En 1936 il est nommé professeur au lycée de Sarreguemines et épouse en 1938 une jeune fille de Sarreguemines : Olga Spingarn avec laquelle il a deux filles.

 En 1939 les familles Weil et Spingarn se replient à Brive. Mobilisé, Robert Weil est fait prisonnier en juin 1940, s’évade et gagne la zone sud. Mais le statut des juifs publiés en août 1940 l’empêche de reprendre sa place dans l’enseignement public. Son cousin le Dr Joseph Weil, médecin de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) lui confie la direction de la maison d’enfants de Broût-Vernet dans l’Allier, où il retrouve son ami le Dr Salomon Gluck, lui aussi ancien élève de Kléber.

Le consistoire le charge aussi de visiter les camps d’internement de Gurs et de Rivesaltes où il apporte le courrier et les colis. Recherché par la gestapo il part en Haute-Savoie où il prend la direction d’une autre maison d’enfants. Il fait évacuer les enfants en lieu sûr avant que les SS ne brûlent la maison car ils traquent les maquis de la région. 

Robert Weil et sa famille sont arrêtés alors qu’ils tentaient de se réfugier en Suisse. D’Annemasse ils sont transférés au camp de Drancy d’où ils partiront pour Auschwitz avec le convoi 75, le 30 mai 1944. Dès leur arrivée, Olga , 23 ans, Ruth, 5 ans, Danielle, 2 ans sont tuées dans les chambres à gaz, Robert est affecté dans différents commandos de laverie et de terrassement. Avec l’avance de l’Armée rouge, les nazis évacuent le camp vers Groos-Rosen puis Buchenwald par des marches forcées dans une température glaciale. Le 11 avril 1945 les troupes américaines du général Patton libèrent le camp et Robert Weil est rapatrié en France le 8 mai 1945 dans un état de grande faiblesse.

Cinq mois après son retour il enseigne à nouveau au lycée Jean de Pange à Sarreguemines.  En 1947 il épouse sa belle-sœur Fanny Spingarn avec qui il a un fils, Alain qui deviendra rabbin de Strasbourg.

 

 

 

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